"J’adore l’université mais mon job étudiant est un poids" : travailler pendant ses études, un sacrifice ?
Près d’un étudiant sur deux travaille pour financer ses études. Mais pour certains, avoir un job étudiant peut avoir un impact négatif sur leur réussite universitaire.
Eva profite d’une pause déjeuner éclair sur le parking de la faculté pour avaler un sandwich dans sa voiture, trente minutes de répit avant d’enchaîner trois heures de cours d’archéologie de la préhistoire. L’étudiante de 22 ans a un quotidien millimétré.
En première année de master d’archéologie à l’université de Bordeaux (33), Eva est aussi caissière à temps partiel dans un supermarché. Comme tous les mercredis, l’étudiante se réveille à 7h, s’octroie une heure de révision, puis travaille au supermarché de 9h à 13h, pour enfin se rendre à la faculté l’après-midi. "J’ai souvent manqué des cours et des projets de groupe pour aller travailler", concède l'étudiante, en contrat de 12 heures depuis deux ans.
Tout comme Eva, face à une hausse de la précarité étudiante, un étudiant sur deux est contraint de travailler pour financer ses études selon l’Unef. Cela augmenterait de 40% le taux d’échec aux examens, précise le syndicat.
Des conséquences sur la réussite universitaire
Il existe d'ailleurs un seuil au-delà duquel le travail étudiant a des conséquences sur la réussite dans le supérieur : "À partir de 10h à 15 h hebdomadaire, le salariat a des impacts négatifs certains sur la scolarité, en dessous de cette jauge aucun impact n’a été mesuré", décrit Jean-François Giret, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne.
Pour Eva, qui en plus de son job étudiant fait quelques heures supplémentaires pour s'en sortir, la réussite de ses études demeure sa priorité. "J’adore l’université, je m’accroche mais mon job étudiant est un poids". Pour réussir à tout concilier, l’étudiante a appris à s’organiser et à développer des compétences professionnelles.
Ses stratégies sont diverses : obtenir son emploi du temps plusieurs mois à l’avance, créer une communication fluide avec son manager, se réveiller tôt pour réviser, demander à des camarades d’enregistrer des cours pour les écouter lors de ses trajets, préparer ses repas à l’avance.
Pourtant, lorsqu'elle a reçu les notes de son premier semestre, l’étudiante s’est effondrée, "12.9 de moyenne pour autant de sacrifices !" Travail bâclé, manque de temps, manque de sommeil, Eva en est convaincue, elle aurait pu obtenir de meilleures notes si elle n’était pas salariée.
Des impacts sur la vie sociale
Pour Hanya, étudiante en troisième année de licence de psychologie à l’université de Lyon (69) le salariat a été "une descente en enfer". Serveuse le soir, étudiante le jour, le rythme a laissé des séquelles importantes sur sa santé mentale.
Hanya pointe la solitude et le sentiment de décalage comme sources de son mal-être. Arrêtée pour dépression, l’étudiante a décidé de mettre entre parenthèse sa licence et de reprendre lorsqu’elle aura retrouvé la santé.
D’autres réussissent pourtant à tout concilier, mais à quel prix ? "Ces étudiants vivent en dehors de la vie universitaire, avec des impacts sur leur sociabilisation et subissent une grande source de stress", note Jean-François Giret.
Ce que confirme Eva qui a moins de temps pour elle et pour ses amis. "Au premier semestre, j’ai pris une semaine de vacances car j’avais des migraines à répétition et une boule au ventre avant d’aller au travail", confie-t-elle.
Des aménagements à trouver au sein des établissements ?
Pour faciliter leur quotidien, les étudiants interrogés aimeraient davantage d’aménagements au sein des universités : cours en ligne, lieu d’écoute et d’informations sur les aides auxquelles ils peuvent prétendre.
Quant à Salomé Hocquard, déléguée générale adjointe de l’Unef, elle défend la mise en place d’une allocation d’autonomie universelle pour tous les étudiants. En attendant, Eva se sent chanceuse, dans ses coups de mou, elle décroche le téléphone pour trouver du soutien auprès de sa famille.