Témoignage

Mal-être dans les écoles de journalisme : "Je me suis ravisée", les futurs étudiants hésitent à postuler

La sélection dans les 14 écoles de journalisme reconnues par la profession est très rude.
La sélection dans les 14 écoles de journalisme reconnues par la profession est très rude. © Titian / Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, Léo Braillon, publié le 06 mars 2024
6 min

Des diplômés d’école de journalisme ont récemment témoigné sur les réseaux sociaux pour exprimer les mauvaises expériences qu'ils ont vécues pendant leurs d'études. Au même moment, les concours pour intégrer les écoles de journalisme battent leur plein. Pour les candidats qui aspirent à intégrer ces établissements très sélectifs, difficile de choisir entre abandonner un rêve ou se résigner.

Depuis quelques semaines, les témoignages de jeunes diplômés d'écoles de journalisme affluent sur les réseaux sociaux. À l'école publique de journalisme de Tours (EPJT), au CFJ et plus récemment à l’école de journalisme de Sciences Po Paris, les anciens étudiants décrivent les difficultés auxquelles ils ont dû faire face pendant leurs études sans que leur établissement ne semble les accompagner. Des critiques qui mettent en lumière un sentiment de mal-être généralisé dans les écoles de journalisme. 

Pourtant, chaque année, des centaines d’étudiants se pressent pour tenter les concours des 14 écoles de journalisme reconnues par la profession. La sélection est rude : l’embouteillage à l’entrée de ces formations témoigne de la forte demande pour le peu de places attribuées.

À l'heure où les candidats passent leurs concours, ces différentes polémiques en font tout de même réfléchir quelques-uns. Faut-il postuler coûte que coûte ou écarter une chance d'accéder à une école reconnue ? Un vrai dilemme pour les futurs étudiants en journalisme. 

Des candidats aux écoles de journalisme en proie au doute

À l’aune des témoignages relayés sur les réseaux sociaux, certains candidats décident de ne pas postuler dans certaines écoles. C’est le cas de Noé, étudiant en master média et culture à l’université Paris 8 Vincennes – Saint Denis. "J’ai eu des échos, par des amis d’amis, de la pression mise par les enseignants et l’administration à l’EPJT. Pour les autres écoles, je n’ai eu que des bons retours", précise le jeune homme qui présentera finalement sa candidature dans six établissements.  

Même conséquence pour Sarah, en prépa parisienne aux écoles de journalisme, pour qui la lecture des témoignages a été une douche froide. "Je suis dégoutée car l’école de Tours était l’un de mes choix préférés mais à cause des témoignages, je me suis ravisée", relate l’étudiante.

L’établissement tourangeau, premier visé par les diplômés d’écoles de journalisme depuis fin janvier, risque ainsi de souffrir d’un déficit de candidats. Une incompréhension pour le directeur de l'EPJT, Laurent Bigot qui explique que l’école met désormais tout en œuvre pour soutenir les étudiants. Il se dit d'ailleurs "au taquet" sur la question de leur santé mentale. 

Claire*, étudiante en première année de master à l'EPJT se dit aussi "surprise" et "étonnée". Car d'après elle, la situation a bien changé depuis la rentrée dernière. "Ça a été très dur de porter cette image qui n’est plus vraie et que je ne ressens pas. Cela ne remet pas en question leur parole [des diplômés de Tours, ndlr] mais il faut l'avoir en tête." 

Une forte sélection qui n'empêche pas les candidats de postuler

Si les témoignages ont pu avoir un impact sur le choix des établissements à présenter, la plupart des candidats ne sont pour autant pas prêts à renoncer à intégrer une école de journalisme.  

En effet, les écoles jouissent d'une situation de quasi-monopole. D’après Eric Duquesnoy et Fabrice Picon, enseignants et co-auteurs du livre Intégrer une école de journalisme, le taux d'admission dans les écoles de journalisme ne dépasse pas les 10% par rapport au nombre de candidats. 

Aussi, beaucoup de candidats choisiront d’intégrer une école de journalisme s’ils sont reçus, et ce parce que les places sont chères. "En même temps, c’est un concours, donc si tu es accepté et que tu n’as que cette école, tu y vas", résume ainsi Méïssa, aujourd’hui en première année à l’IPJ.  

Une vision partagée par Tom, en prépa journalisme à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et candidat aux écoles de journalisme. "il y a tellement peu d’écoles reconnues que se restreindre encore, c’est impossible. Il y a aussi l’incertitude d’en avoir une, alors je ne me ferme pas de porte". 

Et certains établissements jouissent aussi d’une réputation telle qu’il est impossible de les refuser, selon certains témoins. C’est le cas de Juliette*, étudiante en science politique à Lille qui a décidé de ne pas postuler à l’EPJT, en partie à cause des témoignages, mais qui concède aussi que malgré les rumeurs, si elle a le CFJ, elle ira.  

Quentin*, étudiant à l’Académie ESJ, partage la même position : "Je ne va pas arrêter de postuler au CFJ car je considère que ça reste une très bonne école. Les témoignages ne changent pas énormément de choses sur ma vision des écoles."   

Choisir son école de journalisme de manière objective

Mais au-delà de ces témoignages, c’est aux candidats de faire leur choix selon leur appétence. En effet, ce n’est pas la première fois que les écoles de journalisme sont pointées du doigt. L’an dernier déjà, au moment des concours, des témoignages de racisme et de discrimination dans les écoles de journalisme étaient diffusés.

Un moment de doute pour Méïssa qui a finalement décidé d’intégrer l’IPJ. "Ce qui est sûr, c'est que mon choix a été motivé par les ambiances dans les écoles et des échos qu'on a", se rappelle-t-elle. Acceptée dans plusieurs établissements, elle choisit l'IPJ, son premier choix, "parce que des étudiants me disaient que l'ambiance était sympa".   

Pour Claire* et Méïssa, finalement, le plus important reste de venir échanger directement avec les étudiants actuellement en école de journalisme, de participer aux portes ouvertes pour avoir l’information à la source… tels de vrais journalistes.  

*Les prénoms ont été modifiés.  

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