Témoignage

Malgré des aménagements, "les étudiantes atteintes d'endométriose se retrouvent facilement isolées"

L'endométriose touche 10% des personnes menstruées en France.
L'endométriose touche 10% des personnes menstruées en France. © millering / Adobe Stock
Par Rachel Rodrigues, publié le 23 octobre 2023
1 min

Cette maladie gynécologique concerne 10% des personnes menstruées en France. Parmi elles, de nombreuses étudiantes, qui doivent concilier leurs études avec des douleurs aiguës et chroniques. Examens, capacité de concentration, vie sociale… Elles nous racontent les complications que cela implique.

Il y a deux ans, alors qu'elle entame sa première année d'études pour obtenir le diplôme d’Etat d'assistante sociale, Lina est forcée de mettre un terme à sa formation, en raison d'absences que lui reproche l'administration. "J'ai dû être hospitalisée en début d'année à cause de mes douleurs, explique l'étudiante de 22 ans. Aucun aménagement ne m'a été proposé".

À l'époque, malgré ses nombreuses douleurs chroniques, des nausées, des troubles urinaires et digestifs, et beaucoup de fatigue, le diagnostic de l'endométriose n'était pas encore tombé. Il sera établi un mois plus tard, après huit ans d'errance médicale : "C'était un soulagement de pouvoir mettre des mots sur ces symptômes", affirme Lina, qui réalise actuellement sa 2e année de BTS économie sociale et familiale.

Difficultés de concentration et stress quotidien

Nombre d'étudiantes atteintes d'endométriose décrivent des conditions d'études compliquées et isolantes. Et pour cause, la maladie affecte "considérablement les capacités de concentration" en cas de crise de douleur, précise Maryse Deffon, présidente de l'association étudiante Endo Sup'.

Adèle*, aujourd'hui en quatrième année d'école vétérinaire, se souvient encore des TP de cinq heures qu'elle avait en BTS : "Il m'était difficile de rester concentrée, j'étais sur ma chaise à souffrir et à ne penser qu'à ça", décrit-elle. L'étudiante de 24 ans souffre de saignements anarchiques, de règles abondantes et de souffrances pelviennes et abdominales : "la douleur est comme un bruit de fond."

Au quotidien, "c'est toute une organisation", raconte Adèle, qui, toujours munie de serviettes, tampons et médicaments, doit constamment s'assurer d'avoir "un accès aux toilettes". Un besoin qui s'avère inconfortable pour les étudiantes : "en cours, on doit parfois lever la main dix fois pour sortir, c'est gênant", raconte Lauréane, en master d'entrepreneuriat et gestion des PME, en Haute-Garonne.

Pendant les périodes d'examen, les douleurs et la fatigue chronique peuvent engendrer des baisses de concentration, qui rendent les révisions difficiles à supporter. "Quand je rentre de cours, j'ai envie de dormir, décrit Lauréane. Le fait de se faire à manger et de prendre sa douche est déjà une épreuve". À l'approche des écrits, Tifaine, inscrite en master de droit à Bordeaux, raconte être dominée par "le stress d'avoir une crise au mauvais moment".

Des dispositifs pour accompagner les étudiantes souffrants d'endométriose

L'étudiante de 21 ans, diagnostiquée il y a six ans, prend actuellement une pilule qui a pour effet de bloquer l'arrivée des règles. Malgré cette solution, elle subit encore des crises de douleurs plusieurs fois par semaine, et a dû demander la mise en place d'aménagements. "J'ai le droit de sortir pendant les épreuves pour prendre mes médicaments ou faire une pause", détaille-t-elle.

De nombreuses universités proposent ce type de dispositifs. "Un tiers-temps est mis en place pour celles qui auraient besoin de prendre un traitement impliquant un temps de pause pendant l'épreuve", explique Florence Hartheiser, médecin au SSU (services de santé universitaires) de l'université d'Angers, dont l'administration a récemment décidé la mise en place d'un congé menstruel de dix jours pour les étudiantes qui souffrent de règles douloureuses.

Des dispenses d'assiduité peuvent également être fournies : "elles permettent aux étudiantes de ne pas être notées comme défaillantes", et ainsi d'être en règle pour l'obtention de la bourse du Crous, précise-t-elle. Nombre d'entre elles ont souvent des difficultés à justifier leurs absences, en raison de l'indisponibilité des médecins.

"Certains refusent d’émettre un certificat médical si la consultation a lieu après la crise, faute de preuve des symptômes", précise Maryse Deffon. Enfin, l'université peut organiser le recrutement d'un scribe au sein de la promotion, chargé de prendre des notes et de les restituer à l'étudiante absente.

Un risque sur la santé mentale des étudiantes

Malgré ces aménagements, "les étudiantes atteintes d'endométriose se retrouvent facilement isolées", déplore Florence Hartheiser. A ce titre, Lauréane raconte s'être sentie méprisée pendant son alternance : "lorsque je me suis fait opérer, mes employeurs ont mal pris le fait que je sois en arrêt maladie. Pour eux, l'endométriose n'était qu'une maladie à la mode", se souvient-elle.

Les conséquences sur la santé mentale peuvent être significatives : "il y a une anticipation de la douleur qui s'avère délétère", affirme Florence Hartheiser. Adèle décrit un "cercle vicieux" de la douleur : "on a peur d'avoir mal, alors les crises se déclenchent, et on est encore plus stressées pour nos études", explique-t-elle.

Et c'est souvent la vie sociale qui en pâtit. "Quand mes camarades sortent, moi je dois rattraper mon retard", regrette Tifaine. L'étudiante se réjouit de ne pas avoir subi de baisse sur ses résultats, mais elle l'admet : avec une telle maladie, "il faut en faire deux fois plus" pour se maintenir au même niveau que les autres.

Les retards de diagnostic

De nombreuses femmes doivent attendre des années avant de se faire diagnostiquer l'endométriose : cela représente, en moyenne, sept ans d'errance médicale, selon le ministère de la Santé, durant lesquelles elles continuent d'avoir les symptômes de la maladie, et celle-ci continue de progresser.

Sans diagnostic, les femmes souffrant de ces symptômes ne peuvent pas non plus bénéficier de certains traitements ou dispositifs. À ce titre, à l'université, les aménagements spécifiques ne sont souvent délivrés que sur dossier médical et à condition qu'un diagnostic médical ait été établi.

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