Décryptage

Parcoursup : comment les formations sélectionnent-elles leurs étudiants ?

Par Marine Ilario, mis à jour le 16 avril 2024
Durée de lecture : 
6 min

Quelques jours après la fin de la phase d'inscription de Parcoursup, les dossiers des candidats ont été transmis aux établissements. Notes, appréciations, lettre de motivation : c'est maintenant au tour des commissions d'examen des vœux d'examiner les dossiers.

La phase d'inscription de Parcoursup est derrière vous : pour les candidats, la prochaine étape démarrera le 30 mai, quand arriveront les premières réponses des formations. D'ici là, les commissions d’examen des vœux (CEV), composées de professeurs de ces formations, ont leur rôle à jouer.

En effet, on entend souvent dire que c’est l’algorithme de Parcoursup qui classe les dossiers des candidats. En réalité, une fois les dossiers complétés et envoyés aux formations d’enseignement supérieur, les décisions échappent à Parcoursup et passent entre les mains des établissements.

Comment travaillent ces commissions, et quels critères prennent-elles en compte ? Si les détails varient d'une formation à l'autre, le procédé global est souvent similaire.

Première étape : établir un pré-classement

Les formations commencent par utiliser un outil d'aide à la décision fourni par Parcoursup. Il s’agit d’un module (une feuille de calcul Excel) qui attribue une note à chaque dossier et les classe en fonction de paramètres définis par les établissements eux-mêmes.

Cet outil est généralement utilisé dans les formations qui reçoivent un grand nombre de candidatures, comme le département licence du collège sciences et technologies de l’université de Bordeaux (33). "Chaque année, nous recevons plus de 10.000 dossiers pour un peu moins de 1.500 places, explique Ghislaine Godinaud, directrice du département. Un premier classement est établi grâce à l’outil d’aide à la décision qui a été paramétré avec l’ensemble des responsables de chaque mention."

Pour sa prépa économique ECG, le lycée Joffre à Montpellier (34) se sert pour sa part d’un outil statistique "fait maison" pour trier les candidats dans trois groupes. "Un groupe où les dossiers sont écartés en raison de notes insuffisantes, un groupe avec les meilleurs candidats et un groupe pour les dossiers intermédiaires qui feront l’objet d’un examen plus attentif", détaille Alain Joyeux, membre de la CEV.

Les notes, premier critère de sélection

Pour bâtir ce pré-classement, les notes de première et de terminale sont le plus souvent le critère n°1. Mais "avec une certaine pondération", complète Arnaud Desjardin, directeur général des services adjoints à l’université Paris 8 (75). "Par exemple, en licence de mathématiques, les enseignements scientifiques seront plus fondamentaux qu’en licence d’histoire." Logique.

Cette année, en l'absence des notes de spécialité (les épreuves ayant été décalées au mois de juin), les établissements se basent aussi sur d'autres éléments.

Parmi eux, "nous sommes très attentifs à la fiche Avenir et aux appréciations des professeurs, surtout si elles sont spécifiques à notre formation", indique Denis Choimet, professeur en classe prépa scientifique au lycée du Parc à Lyon (69).

D’autres formations regardent aussi votre positionnement dans la classe. "Parce qu’une note dans une classe n’aura pas la même valeur dans une autre, la position dans la classe est un critère important pour nous", confirme Thierry Delecolle, directeur du développement de l'école de commerce EMLV.

Il est possible de connaître les critères de chaque formation en allant sur Parcoursup, dans la rubrique "Comprendre les critères d’analyse des candidatures". Un jeu de pastilles bleues permet d’identifier les critères "essentiels", "très importants", "importants" et "complémentaires" utilisés par les établissements.

Après le pré-classement, "il y a toujours une intervention humaine"

Ce pré-classement "n’a rien de définitif, rappelle Arnaud Desjardin, puisqu’il est ensuite précisé, amélioré et accompagné d’une étude qualitative du dossier de chaque candidat".

Si certaines formations ne consultent que quelques dossiers à la main, d’autres le font pour l’ensemble des candidatures reçues. "Globalement, on est obligé de repasser derrière, donc il y a forcément une intervention humaine à un moment donné", explique Marie-Karine Lhommé, vice-présidente formation à l’université Lyon 2.

Pour intégrer la classe prépa du lycée du Parc à Lyon, "les appréciations des bulletins sont importantes parce qu’on y cherche des qualités qui nous intéressent comme un goût pour la science ou une grande capacité de travail", illustre Denis Choimet. Une évaluation qui peut vous faire gagner des points. "Après cette lecture, plus humaine et moins algorithmique, on bouscule prodigieusement notre classement. Un élève classé 1000e par l’algorithme peut remonter à la 150e place."

La lettre de motivation pour départager les candidats

Il arrive que les formations doivent départager des dossiers équivalents. Dans ce cas, la lettre de motivation peut faire la différence. "On regarde son contenu, sa structure, comment elle est rédigée et à partir de certains mots-clés que nous avons définis, on accorde des points bonus aux dossiers", explique Mick Dupont, responsable des admissions à l’école d’ingénieurs EFREI Paris.

"Il y a toujours une partie où le candidat exprime quelque chose de personnel, qui peut être un vrai plus. Surtout lorsque ça traduit une motivation qui ne relève pas uniquement des notes, mais aussi d’un projet professionnel", complète Alain Joyeux.

À Lyon 2, la lettre de motivation n'est consultée que s'il y a besoin de départager des candidats. "On se demande toujours qui les rédige et si les élèves ont été aidés. C’est donc un élément qui compte dans notre pondération, mais ce n’est pas le critère n°1", assure Marie-Karine Lhommé.

Le classement des dossiers, "un travail colossal"

Ce travail des commissions dure environ un mois et monopolise tous les professeurs des mentions concernées. "Le classement des vœux par les formations n’a pas le caractère automatisé que l’on peut parfois fantasmer, c’est un travail colossal", explique Arnaud Desjardin.

Une opération assumée par les membres des CEV. "On le doit aux candidats, reconnaît Denis Choimet, parce qu’on sait que pour eux, il y a beaucoup d’incertitudes et d’inquiétude dans cette période d’orientation."