Pourquoi le bac pro est le seul à avoir retrouvé son taux de réussite d'avant le Covid ?
INFOGRAPHIE. Deux ans après la crise sanitaire, le taux de réussite du bac professionnel a retrouvé son niveau de 2019, alors que ceux des filières générale et technologique restent très élevés. Selon les syndicats enseignants, les réformes successives pourraient avoir affecté la réussite des lycéens professionnels.
Après un pic de réussite observable en 2020, le taux de réussite au bac professionnel est retombé dès 2021 avant de retrouver en 2022 son niveau de 2019. Tandis que les filières générale et - dans une moindre mesure - technologique bénéficient de la bonne dynamique insufflée par les épreuves aménagées par la crise sanitaire.
Comment expliquer que la filière pro soit la seule à avoir retrouvé son niveau d'avant Covid ? Les enseignants pointent du doigt les différentes réformes de la voie professionnelle.
Une baisse du nombre d’heures d’enseignement
Pour un premier élément de compréhension, Axel Benoist, co-secrétaire général du SNUEP-FSU, remonte l’historique à septembre 2019. C'est à cette date que la réforme du lycée proposée par le ministre de l’Éducation Nationale d'alors Jean-Michel Blanquer est entrée en vigueur.
"Avec la réforme, les élèves ont moins d’enseignement général mais aussi professionnel, passant de 34 heures de cours à 30 heures. Quatre heures de cours en moins par semaine, ce n’est pas négligeable sur trois ans", explique-t-il. Les élèves entrés au lycée en 2019, ayant passé le bac en 2022, ont été le premier à en pâtir : "C’est la première génération qui a eu moins d’enseignements généraux que les précédentes. Forcément, en français, histoire-géo, EMC, éco-gestion, on voit bien l’effet sur les résultats, ce qui ne s’est pas passé en lycée général et technologique."
Une refonte de l’épreuve de rattrapage
Un autre changement dans la formule du bac professionnel a pu concourir à la baisse des résultats. Pour Thierry Plouvez, en charge de la voie professionnelle au SE-UNSA, il s'agit de la modification de l’épreuve de contrôle, qui permet aux élèves ayant eu moins de la moyenne à la première partie de leur bac de pouvoir rattraper des points.
Avant la session 2022, il fallait obtenir la moyenne à l’épreuve pratique de l’enseignement professionnel pour avoir le bac. Si ce n’était pas le cas, l’élève ayant eu entre 8/20 et 10/20 accédait à l’épreuve orale de contrôle. La moyenne entre cette épreuve et la précédente était la note définitive au baccalauréat.
Depuis 2022, la moyenne est désormais demandée sur l’ensemble des épreuves du groupe professionnel, ce qui "change tout" selon Thierry Plouvez. "Quelqu’un qui a eu la moyenne en pratique mais pas en techno ne peut pas accéder à l’épreuve de contrôle par exemple, on avait alerté sur le fait que cela ferait des dégâts au niveau du taux de réussite au bac."
"Les coefficients ne permettent pas de rattraper une mauvaise note en épreuve professionnelle"
Le deuxième changement est au niveau du calcul : la note au bac n’est plus la moyenne de l’épreuve générale et de l’épreuve de contrôle, mais prend en compte les coefficients des matières de l’épreuve, comme c’est le cas en épreuve de rattrapage des filières générales et technologiques.
Ce changement a un impact sur la réussite des élèves, indique Thierry Plouvez : "Nous avons alerté sur les coefficients, qui ne sont pas aussi élevés qu’en bac général. En bac professionnel, les matières avec un coefficient élevé sont des matières professionnelles, mais elles ne peuvent pas être choisies lors de l’épreuve de contrôle."
En effet, l’épreuve de contrôle se base sur les matières générales, qui ont des coefficients plus faibles : "Par exemple de 1 ou 2 en maths, ce qui ne permet pas de rattraper une mauvaise note en épreuve professionnelle."
Contacté, le ministère de l’Éducation Nationale n'explique pas la baisse du taux de bacheliers professionnels par les réformes, mais indique que c'est lié "au niveau des élèves".
Quels impacts de la réforme à venir sur le taux de réussite ?
Après celle de Jean-Michel Blanquer, une nouvelle réforme gouvernementale est au programme pour la session du baccalauréat 2025. Alex Benoist et Thierry Plouvez s’inquiètent déjà de ses effets sur le taux de réussite, même s’il est difficile de se projeter sur les résultats des élèves en 2025.
Pour Thierry Plouvez, "il sera dur de mobiliser les élèves pour l’épreuve de juin, s’ils choisissent les six semaines d’insertion sans se remettre dans les cours et la préparation de l’oral de projet, cela peut avoir des impacts sur le taux de réussite".
Axel Benoist partage le même avis : "Les élèves vont avoir encore moins d’heures pour préparer l’examen, on leur supprime 170 heures de cours sur trois ans. D’autant plus sur l’année de terminale où les élèves auront encore moins de temps pour préparer les épreuves car certaines se déroulent fin mai. De même pour celles de juin qui se dérouleront, pour beaucoup d’élèves, après avoir passé six semaines en entreprise."
Ils redoutent également tous deux un risque d’absentéisme aux épreuves pour les élèves partis en entreprise, ce qui aurait un effet sur le taux de réussite global.
Le bac général et technologique aménagé jusqu'en 2023
Si les réformes du bac professionnel ont pu jouer sur la réussite des lycéens pro, leurs camarades des filières générales et technologiques ont à l'inverse bénéficié d'épreuves aménagées jusqu'à la session 2023. En raison du calendrier (les épreuves de spécialités ont été organisées en mai en 2022 et en mars en 2023), certains chapitres des spécialités étaient certains de ne pas tomber le jour de l'épreuve écrite. Et puisque deux sujets ont été distribués, les commissions d'harmonisation ont aussi pu revoir à la hausse les notes des candidats tombés sur le plus difficile des deux. Ce qui peut en partie expliquer pourquoi ces filières creusent l'écart avec la voie professionnelle.