Décryptage

Quelles solutions pour les étudiants et diplômés victimes de discriminations raciales à l'embauche ?

Selon une étude,  46% des jeunes "ont déjà été incités, lors d’un entretien, à modifier leur apparence ou adopter un certain comportement afin d’obtenir un poste ou une promotion".
Selon une étude, 46% des jeunes "ont déjà été incités, lors d’un entretien, à modifier leur apparence ou adopter un certain comportement afin d’obtenir un poste ou une promotion". © Adobe Stock/aleutie
Par Léa Fournier, publié le 06 novembre 2023
6 min

Pour les étudiants issus de la diversité, décrocher un entretien d’embauche et obtenir un emploi, un stage ou une alternance peut parfois devenir un parcours du combattant. Mais face aux discriminations raciales à l'embauche, il existe des solutions.

Avec des centaines de CV déposés physiquement ou envoyés par Internet, Nisrine "postule partout" pour trouver des jobs étudiants ou des stages mais cumule les refus et les non-réponses. Cette jeune femme de 22 ans, issue d’une famille marocaine, est étudiante en LEA anglais-arabe à Grenoble (38). En année de césure, elle passe également un CAP coiffure en ligne.

Dans ses recherches, elle se heurte régulièrement à des discriminations cachées des recruteurs. "Une fois, j’ai eu un entretien dans une boulangerie qui s’était très bien passé…, raconte-t-elle. Jusqu’à ce que la personne me dise : 'Je vais être direct, tu ne corresponds pas à notre clientèle'. Quand j’ai demandé pourquoi, elle n’a pas voulu m’expliquer."

En recherche de stage pour son CAP coiffure, dès son arrivée dans un salon, elle n’a "même pas le temps de se présenter" qu’on lui dit non. "Je pensais que c’était comme ça pour tout le monde, mais en parlant avec d’autres gens, je me suis rendu compte que ce n’était pas normal", tranche l'étudiante.

Des discriminations dans l'emploi avérées

Une étude de décembre 2021 s’est penchée sur les discriminations dans l’emploi perçues et vécues par les jeunes âgés de 18 à 34 ans. Le Défenseur des droits y pointe que 46% des jeunes "ont déjà été incités, lors d’un entretien, à modifier leur apparence ou adopter un certain comportement afin d’obtenir un poste ou une promotion". Pour les jeunes perçus comme non-blancs, ce chiffre passe à 69%.

"Accent, couleur de peau, cheveux, nom de famille, lieu de résidence ou encore le fait d’être étudiant étranger… Ce sont autant des facteurs de discrimination", explique Aimée Kiamenga, 19 ans, étudiante en droit et présidente du comité SOS Racisme de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

"Ce sont des facteurs cumulatifs : tu peux avoir un nom à consonance maghrébine et ça peut passer… Mais si en plus de ça, tu habites dans une cité, ça ne passe pas", précise-t-elle.

Travailler sur son employabilité et son réseau

La recherche de stage et d’emploi n’a "jamais été une partie de plaisir" pour Nour*, 26 ans, diplômée d’un master en management et sciences de gestion. "Je n’ai jamais voulu penser que ça pouvait être dû à de la discrimination, même si j’ai déjà eu des remarques en entretien".

"Face au mur", la jeune diplômée a suivi un stage de trois jours chez Mozaïk RH, association dédiée à la lutte contre les discriminations à l'emploi en France, puis différents ateliers. "Leurs conseils m'ont beaucoup aidée pour mettre en avant mes compétences et mes expériences sur mon CV, pour solliciter mon réseau… ", raconte Nour. Elle a aussi pu affiner ses stratégies de recherche : "Quand je postulais en ligne, je cherchais le contact du RH ou du manager, par LinkedIn ou par mail, pour augmenter ma visibilité, au cas où le CV passe à la trappe".

Mozaïk RH a également mis la jeune femme en contact avec un "mentor". "C’est quelqu’un qui est issu du métier, de la branche dans laquelle je recherchais du travail et qui m’a énormément accompagnée, raconte-t-elle. Avant les entretiens, pour les préparer, et après les entretiens, pour voir quels étaient les axes d’amélioration pour la suite."

Aujourd’hui, Nour a trouvé un poste de consultante dans un cabinet de conseil dans le secteur de l’énergie – et elle a même pu choisir entre plusieurs propositions.

Pour développer votre réseau professionnel en rencontrant des professionnels et en mettant en évidence ses compétences, vous pouvez également vous tourner vers des associations sensibilisées à ces questions ou des associations professionnelles : association de journalistes spécialisés, de communicants, de consultants...

Mettre en place du "testing"

Malgré tous ces conseils, trouver un emploi peut tout de même s'avérer difficile. Et combattre les discriminations raciales reste fondamental pour faire bouger les lignes. Problème : il est "très compliqué de prouver des discriminations", analyse Aimée Kiamenga, de SOS Racisme. Avec la seule perception et la parole du candidat, "il n’y a aucune preuve tangible à apporter à la direction de l’entreprise, aux associations ou aux autorités".

Alors, face à une discrimination présumée, "les testings sont la seule solution qu’on peut apporter, parce qu’ils rendent l’évolution possible", explique la représentante de SOS Racisme. Le principe est simple : "Deux personnes [l’une blanche et l’autre non, NDLR] postulent à la même offre d'emploi avec un CV identique. C’est le seul moyen de preuve." Grâce à ces testings, on a pu démontrer les discriminations massives dans les entreprises d’intérim, notamment dans la restauration et dans le bâtiment.

Mozaïk RH œuvre, elle, pour faire évoluer la situation au sein des entreprises. "On incite les recruteurs à changer leur politique RH, explique Irène Fasseu, directrice communication du Groupe Mozaïk. Les entreprises sont en pénurie de talents et peinent à trouver des compétences. D’où la nécessité d’avoir une vraie stratégie pour être plus inclusif et s’ouvrir à la diversité des profils."

Alors pour les aider à évoluer, l'association organise des "jobs datings" dans les quartiers populaires. "Les responsables RH vont directement sur le terrain pour embaucher, raconte la responsable. Ça change les politiques de recrutement et permet d’aller vers des pratiques non-discriminantes."

*Le prénom a été changé.

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